Le Dr Caroline Barau est assesseure à l’universitarisation des professions de santé et responsable universitaire de la formation en soins infirmiers à l'université Paris-Est Créteil (UPEC). Dans cet entretien, elle explique le contexte et les détails de cette réforme, ainsi que les défis et les solutions mises en place pour assurer une formation de qualité et équitable pour tous les étudiants.
Pouvez-vous nous expliquer le contexte de la formation en soins infirmiers en France et les changements apportés par la réforme de 2009 ?
Caroline Barau : Bien sûr. Avant 2009, la formation en soins infirmiers était entièrement sous la responsabilité des IFSI, avec des formateurs issus du milieu infirmier. La réforme de 2009 visait à intégrer cette formation dans le système LMD (licence-master-doctorat) en délivrant un grade licence et en établissant un référentiel de compétences. Cette universitarisation passe par un partenariat tripartite entre les régions, les IFSI et les universités. Chaque région établit des conventions avec son université de rattachement et ses IFSI, gère les quotas d'entrée en formation et délivre les diplômes.
Quelle est la répartition des unités d'enseignement (UE) entre les universités et les IFSI ?
Caroline Barau : Dans le référentiel national de 2009, 22 UE sont sous la responsabilité des universités, tandis que 31 restent sous celle des IFSI. En général, les unités d'enseignement théoriques et scientifiques sont gérées par les universités, tandis que les cours liés au cœur du métier infirmier restent sous la responsabilité des IFSI. Cette répartition permet de tirer parti des expertises spécifiques de chaque institution.
Quels défis cette réforme pose-t-elle ?
Caroline Barau: L'un des principaux défis est d’assurer l'équité entre les étudiants des différents IFSI du fait des distances géographiques. Avec des instituts parfois situés à plus de 100 km des universités, organiser des cours en présentiel est compliqué. Pour relever ce défi, la plupart des universités ont opté pour le distanciel avec la médiatisation des enseignements et l’usage du numérique.
Comment avez-vous organisé l'enseignement à distance pour les étudiants infirmiers inscrits à l’UPEC ?
Caroline Barau: Nous avons mis en place divers supports pédagogiques accessibles en ligne, tels que des polycopiés, des modules e-learning, des tests d'auto-évaluation, des flashcards, des jeux de vocabulaire et des cas cliniques illustrés. Pour préparer les étudiants aux stages, nous utilisons également des scénarios en simulation numérique sous forme de jeux sérieux. L'objectif est de garantir une progression pédagogique cohérente et équitable pour tous les étudiants, qu'ils soient proches ou éloignés de l'université.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets des unités d'enseignement que vous avez finalisées ?
Caroline Barau: Nous avons finalisé les unités d'enseignement en biologie fondamentale et en pharmacologie et thérapeutique. Ces matières sont essentielles pour les étudiants infirmiers, car elles couvrent des domaines complexes et cruciaux, comme la biochimie, la biologie cellulaire, la génétique, l'anatomie, la physiologie et la pharmacologie. Nous avons également travaillé sur plusieurs autres unités d’enseignement, telles que les processus obstructifs et les pathologies dégénératives.
Comment travaillez-vous avec les enseignants pour créer ces supports pédagogiques ?
Caroline Barau: En tant que responsable universitaire, je pilote toutes les unités d’enseignement sous responsabilité universitaire avec l’aide d’un enseignant référent. Nous discutons des attentes spécifiques des étudiants infirmiers, et je m'assure que les supports fournis répondent bien au cahier des charges. Les enseignants préparent pour chaque cours un polycopié rédigé et un diaporama PowerPoint sonorisé qui est ensuite transformé en modules e-learning par nos ingénieurs pédagogiques.
Combien d'ingénieurs pédagogiques sont impliqués dans ce projet ?
Caroline Barau: Nous avons plusieurs ingénieurs pédagogiques dédiés : un pour la création des modules e-learning, deux pour l'aide à la création des scénarios de serious games, et deux spécialisés dans la vidéo pour les gestes professionnels. Leur expertise est cruciale pour garantir la qualité et la pertinence des supports pédagogiques.
Quels sont les retours des étudiants concernant ces nouvelles modalités pédagogiques ?
Caroline Barau: 83 % des étudiants se déclarent satisfaits des nouvelles modalités pédagogiques. Bien que certains regrettent l'absence d'enseignements en présentiel, la possibilité de travailler en petits groupes et l'accès à des forums de discussion permettent de maintenir un lien avec les enseignants et de favoriser l'apprentissage collaboratif.
Quels sont vos projets futurs pour cette formation ?
Caroline Barau: Fort de ce succès, l’idée est d’étendre ce modèle à d’autres UE. L'autre projet est de favoriser la mutualisation des ressources. Comme toutes les facultés de médecine en France ont des IFSI de rattachement, nous pourrions mettre en commun tout ce qui est créé. C’est là que l'Uness entre en jeu, avec toute l'expérience que l'Uness a du partage de ressources à l’échelle nationale. De notre côté, nous allons déposer nos ressources sur la plateforme Uness formation. Cela permettra à toutes les facultés de médecine de bénéficier des supports déjà développés. Je suis intimement persuadée que le partage et la mutualisation permettraient non seulement de gagner du temps, mais aussi d'homogénéiser la formation des étudiants infirmiers sur l'ensemble du territoire.